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Vincent Machet : « La course à pied m’a sauvé »

En surpoids depuis son enfance, Vincent Machet a trouvé son salut dans la course à pied. Que ce soit sur le bitume ou les chemins de trail, l’homme aux 150 kilos ne se fixe aucune limite, si ce n’est celle des barrières horaires. Une histoire qu’il raconte aujourd’hui dans un roman autobiographique, « Trop gros pour courir ». J’aime courir l’a rencontré.

Vous venez de sortir un livre autobiographique intitulé « Trop gros pour courir ». Pourquoi maintenant, à 52 ans ?

Je suis à mi-chemin de mon parcours de vie, et j’ai eu besoin de me poser pour regarder un peu en arrière, avant d’attaquer le deuxième semi-marathon de ma vie ! C’est un âge charnière. Je suis entre celui qui était jeune et celui qui n’est pas encore vieux. C’est le bon moment.

La course à pied, que vous pratiquez depuis votre adolescence, en est le fil conducteur. Racontez-nous comment tout a commencé, à 14 ans…

J’ai un souvenir très précis. Je faisais déjà beaucoup de sport, à l’époque : de la randonnée avec mon père, du cyclotourisme, du football et des arts martiaux… Et puis j’ai vu un extrait d’un film Rocky. On y voyait Sylvester Stallone en train de courir sur la plage, dans les escaliers. Cela a fait écho en moi. J’ai aussitôt pris mes baskets et je suis sorti courir. Ça m’a emporté tout de suite, dès la première sortie.

Quelles sensations aviez-vous éprouvées, alors ?

Je me souviens m’être rapidement retrouvé dans l’effort, car j’étais déjà très enrobé pour mon âge. Mais il y avait déjà comme une envie de dépassement de soi. J’ai aussi très rapidement ressenti cette sensation de liberté, que je n’avais jamais ressentie dans un autre sport. Et le plus étonnant pour un mec comme moi, c’est que je me suis également senti voler. Je me souviens que cela avait été très troublant et très exaltant comme sensation. Je me sentais plus léger et je suis devenu accro à cette légèreté passagère, à cette liberté.

Vous avez rapidement accroché votre premier dossard, à 15 ans, lors d’un cross régional…

Quand on est jeune et qu’on s’entraine, on a envie de montrer qu’on est un sportif. Moi, en tous cas, j’ai toujours été animé par cette notion de compétition et de challenge, même si ce n’était pas pour finir premier. Ce qui m’intéresse, c’est la compétition avec moi-même. Mettre un dossard, c’était me mettre au défi d’arriver à faire quelque chose.

Dans votre ouvrage, vous évoquez l’obésité morbide de votre mère, dont vous avez hérité… En quoi la course à pied vous a-t-elle aidé à lutter contre cette maladie ?

C’est une maladie métabolique. On parle d’hérédité, mais c’est multifactoriel. Pour ma part, j’ai très vite compris que je ne courais pas pour maigrir. Certains le font et y parviennent. Moi, ce n’était pas ça. Mes problèmes, je les avais et je les ai toujours. J’ai été un grand fumeur et je suis obèse avec tout ce que cela implique, comme le diabète de type II, les phases de dépression. En revanche, je peux dire que la course à pied m’a sauvé car elle m’a permis d’équilibrer la balance. Elle m’a aidé à m’entretenir, à me muscler, à sortir de mon canapé, à bouger, à entrainer mon cœur, mes muscles, et à porter ma carcasse parce que je fais des abdos et du renforcement musculaire.

Qu’implique le surpoids lorsque l’on pratique la course à pied ?

Physiquement, j’ai accepté certaines choses dans ma tête et dans mon corps, et je les vis plutôt bien. D’ailleurs, jusqu’à un certain poids, je ne ressens pas mes kilos, parce que je suis entrainé depuis toujours à les porter. Je sais que je peux claquer un semi ou un marathon jusqu’à 140 kilos. En revanche, si je passe au-dessus des 150 kilos, même avec un gros entrainement, tout devient plus compliqué, les chaussures, sortir du canapé, aller dans un magasin de sport. L’idéal dans ma situation, c’est donc d’avoir la balance à portée de main pour vérifier régulièrement que le poids ne s’emballe pas, et de surveiller aussi constamment ce que l’on met dans l’assiette. Du côté de l’équipement, au-dessus d’un certain gabarit, on ne trouve plus vraiment de tenue adaptée à la course à pied, même si ça change parce que les morphologies des coureurs évoluent aussi et qu’il y a de plus en plus de gens en surpoids qui courent, désormais. Les barrières horaires s’ouvrent, les temps limites des courses aussi. On est désormais dans une époque du sport pour tous et de l’inclusion.

Votre femme, dont vous parlez peu, est médecin. Comment vit-elle tout cela à vos côtés ?

Elle sait comment je fonctionne. Elle sait que si je n’avais pas ça, je ne pourrais pas vivre. En tant que médecin, c’est un peu mon garde-fou. Elle sait dire les choses, et elle les dit avec la franchise et les craintes qu’elle peut avoir, ce que je comprends. Entre mes envies parfois un peu folles et la raison, il y a un juste milieu que je dois trouver, et elle est souvent là pour me le rappeler mais de manière factuelle, sans critique. Elle est pragmatique, et je l’écoute, même s’il m’arrive parfois de m’inscrire à des courses dans son dos ! Mais elle a confiance en moi. Elle me voit me préparer, elle sait que je ne fais pas non plus n’importe quoi.

Vous avez été suivi et épaulé par une équipe de scientifiques et médecins l’année de vos 40 ans dans le cadre d’une émission de télévision. Qu’est-ce qui vous a motivé à y participer et qu’est-ce que cela vous a apporté ?

C’était le fruit du hasard. Tous les ans, je fais un check up complet pour le souffle avec électrocardiogramme et test d’effort au sein du service d’endocrinologie de l’hôpital Nord de Marseille. Ils me suivent depuis une quinzaine d’années et ils m’ont mis en contact avec ce cabinet de coaching qui cherchait, à l’époque, à étendre ses activités aux amateurs et notamment aux personnes en surpoids. J’étais le client parfait. De mon côté, cela m’a permis de me préparer au mieux pour le marathon de New York. J’ai en effet découvert un tas de choses que je ne connaissais pas et qui m’ont aidé à mieux courir et à mieux me porter.

C’est-à-dire ?

J’ai fait du renforcement musculaire au niveau des cuisses, de la proprioception, j’ai travaillé les chevilles, le dos, appris à faire des fentes, du gainage. J’ai même découvert mes premières séances de fractionné ! Avant ça, j’étais un coureur lambda qui ne faisait que courir. Là, je me suis comme professionnalisé.

Vous avez également rejoint un club à ce moment-là…

Lorsque j’ai déménagé, je me suis rapproché de l’USC Septèmes, où je suis d’ailleurs toujours licencié. J’y ai fait de super rencontres, avec des gens qui viennent de partout, des petits, des grands, des ronds, des maigres, des amateurs qui aiment se retrouver le week-end sur des courses et qui s’entrainent pour ça. Malheureusement, mon emploi du temps ne me permet pas de m’entrainer souvent avec eux. On se retrouve plus sur les courses.

À quoi ressemble votre quotidien de coureur ?

Il varie énormément en fonction des objectifs que je me fixe et de la préparation qui va avec. Le plus souvent, je programme trois entrainements par semaine, dont une grosse sortie le week-end entre 1h30 et 2h30, mais je peux monter à quatre ou cinq séances hebdomadaires sur les prépas de grosses courses. Je croise aussi beaucoup mes entrainements en marchant. C’est pour ça que depuis je fais du trail, j’associe souvent rando et course à pied.

Justement, y-a-t-il des courses qui vous font rêver et auxquelles vous avez dû renoncer ?

Quand on tombe dans une passion comme celle-là, on se projette forcément sur les grandes courses que l’on voit remportées par les plus grands. J’aimerais beaucoup participer à Sierre-Zinal, par exemple, mais je ne sais pas si cela sera possible. L’UTMB, en revanche, ne me fait pas rêver. Pour moi, c’est trop. Mais l’une des courses plus courtes ne me déplairait pas. Quant au Marathon des sables, c’est un rêve que je ne pourrai sans doute jamais accomplir à cause de la répétition des longs efforts sur plusieurs jours. Il faudrait que je trouve une course aussi belle mais moins longue et moins dure pour mon organisme. En ce moment, je rêve de Jordanie. J’ai perdu 30 kg cette année et si j’arrive à tenir et à descendre encore un peu, ce rêve pourrait devenir réalité. Il s’agit d’un 60 km en trois étapes. Si je pouvais courir dans le désert du Wadi Rum et découvrir Petra tout en vivant ma passion, ce serait l’apothéose !

Quel est votre plus beau souvenir en course à pied ?

Le marathon de New York ! J’étais comme un enfant dans un grand magasin de jouets. Cette ville est complètement folle, et c’est la Mecque pour un marathonien. C’est aussi une ville où ma mère a vécu et que j’ai découvert petit à travers ses diapositives. Je rêvais donc d’y courir. Je pense d’ailleurs que j’emporte toujours un peu de mon histoire familiale avec moi. À travers les choix de course que je peux faire, il y a souvent un peu de leurs rêves à eux aussi. Je ne veux rien avoir à regretter dans ma vie : je préfère partir les valises pleines que de vivre le plus longtemps possible sans souvenirs dans la tête.

Vous auriez un conseil à donner aux amateurs qui n’osent pas se lancer ?

Je ne suis pas un exemple. Je sais que j’inspire les gens et cela me touche énormément, mais ma situation de départ reste une maladie, et c’est quand même mieux si on peut s’en sortir sans. En revanche, quand on a des problèmes comme les miens, avoir cette activité physique, c’est vraiment une béquille dans la vie. Il faut accepter d’être aidé quand on se lance. Ça vaut pour le sport, mais aussi pour la maladie. Mon conseil serait de voir ses rêves en grand, ou en gros, de les vivre, tout en s’y préparant et en se faisant accompagner afin de ne pas se blesser. Parce que chez les personnes en surpoids, se blesser c’est aussi, et surtout, prendre le risque de reprendre encore plus de poids.

À 52 ans, la course à pied est-elle toujours une sorte d’exutoire pour vous ?

Oui, toujours. Parce que cela me permet d’échapper à mon quotidien, à mes soucis, de ranger mes problèmes dans ma tête pour qu’ils ne viennent plus m’embrouiller l’esprit. Tout est toujours plus clair quand je rentre après avoir été courir. Mais ce n’est pas pour ça que je cours. La course à pied pour moi, c’est avant tout un art de vivre. C’est ma vie, tout simplement.

Propos recueillis par Véronique Bury.
Crédit photos : Alexis Berg, Cyrille Quintard et Activ’images

Rédaction J'aime Courir, le 22/01/2024 16:00:00
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